Handicap et formation : comment construire une véritable accessibilité universelle

Clémentine Mole

01 octobre 2025

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Handicap et formation : comment construire une véritable accessibilité universelle

Marie-Eve Huteau revient sur les enjeux du handicap en formation : au-delà des obligations légales, il s’agit de bâtir des dispositifs inclusifs, anticipés et respectueux de la diversité des apprenants. Elle partage son regard sur les freins encore présents, les pistes d’amélioration concrètes et la nécessité pour chaque formateur d’incarner une pédagogie accessible à toutes et tous

Cette question recouvre plusieurs dimensions : sociétale, culturelle, pédagogique, administrative, financière et législative. Depuis 1975, plusieurs lois se sont succédées autour de deux grands principes : la non-discrimination envers les personnes handicapées et la reconnaissance d’un droit à compensation du handicap. Ces lois instaurent l’obligation de rendre la formation accessible à tous, sous peine de sanctions pénales et financières. Les acteurs de la formation sont ainsi tenus de prendre en compte les informations fournies par la personne handicapée pour proposer des aménagements adaptés portant sur l’accueil, la durée, les méthodes et supports pédagogiques, les équipements, les modalités d’évaluation et de communication.
Au-delà de l’aspect règlementaire, le sujet du handicap en formation est une opportunité réelle de faire évoluer, ensemble, nos représentations et d’innover dans nos dispositifs et nos pratiques.

 

La manque de connaissance sur le sujet du handicap, les propos et pratiques discriminatoires ± conscientisés, ainsi que l’accessibilité des dispositifs, des moyens et des environnements représentent des freins majeurs d’accès à la formation pour les personnes situation de handicap.

En terme de difficultés, la personne en situation de handicap peut avoir besoin de plus de temps et ressentir une fatigabilité accrue. En fonction du type de handicap et de la personne elle-même, plusieurs difficultés peuvent apparaitre, comme par exemple : une capacité d’apprentissage diminuée, des difficultés de concentration, une lenteur dans la prise de note, un besoin de temps d’intégration cognitive plus long, des absences plus fréquentes, des difficultés à accéder aux locaux ou à utiliser le matériel ou encore des difficultés à intégrer et s’exprimer au sein d’un groupe.

 

Nous commençons par prendre conscience que 80% des handicap sont invisibles et qu’il existe différentes formes de handicap. La personne qui forme, sans devenir expert du handicap (car ce n’est pas le propos), peut proposer des adaptations et des aménagements : rythmes, horaires, durées, modalités pédagogiques, contenus, supports, outils, consignes, modalités d’évaluation, environnement physiques et technologiques. Pour cela, les formateurs peuvent s’appuyer sur de nombreuses ressources disponibles, citons notamment celles de l’Agefiph qui propose des sensibilisation, des formations, des outils pratiques et une liste des référent(e)s handicap en formation (RHF) dans chaque région (https://www.agefiph.fr/services/ressource-handicap-formation).

Au-delà des adaptations et des aménagements, mon intention porte, avant tout, sur le fait d’aborder, le rôle que chaque personne peut jouer pour promouvoir une démarche inclusive et incarner le principe de l’accessibilité universelle. Le but étant d’améliorer l’accessibilité pour tous, de limiter la stéréotypation et la stigmatisation et éviter de contraindre les personnes en situation de handicap à devoir parler de leur situation si elles ne le souhaitent pas.

 

Comme évoqué, la clé de l’accessibilité réside dans tout ce que nous pouvons mettre en œuvre concrètement sur le principe d’accessibilité universelle. Ce principe limite la probabilité que la personne qui apprend et celle qui forme ne se retrouvent contrainte de réagir et s’adapter sur l’instant. La personne qui forme peut adopter une approche inclusive non stigmatisante, dans toutes les étapes d’une formation : la préparation, l’accueil, le recueil des besoins, le cadre de fonctionnement du groupe, les mots employés, les supports et activités pédagogiques, les consignes, l’évaluation, l’organisation de la salle, son positionnement dans l’espace et la gestion du rythme et des pauses.

 

Plusieurs progrès ont été réalisés ces dernières années et le sujet du handicap est davantage abordé. Grâce à l’arrivée des technologies et du digital, de nombreux outils simples existent. Cependant, l’accessibilité est parfois restreinte uniquement à l’accès aux personnes à mobilité réduite (PMR) et les actions sont faites en réaction à une situation de handicap rencontrée sans être anticipées en amont. Je constate également que des organismes de formation agissent par souci de conformité à la loi sans toujours dépasser le stade de la contrainte réglementaire. Ainsi, les pratiques inclusives, basées sur le respect et la valorisation des différences, peinent à s’imposer durablement.

La certification Qualiopi est un levier pour soutenir l’amélioration des pratiques et des process des centres de formation dans la durée. Le guide de lecture (V.9 – 8 janvier 2024 au moment de l’interview) est venu renforcer la compréhension des attendus sur la question de l’accessibilité des dispositifs aux personnes en situation de handicap. L’indicateur n°26 n’est pas le seul indicateur concerné. Dès lors que l’on adopte le principe d’accessibilité universelle, l’on comprend très rapidement que l’ensemble des indicateurs du référentiel Qualiopi est une opportunité d’agir concrètement sur plusieurs niveaux.

 

En résumé, nous pouvons nous inspirer du modèle social du handicap qui considère, d’une part que c’est la société qui est « handicapante » dans la mesure où elle est limitée pour fournir des prestations adaptées à l’ensemble des besoins de sa population et d’autre part que les personnes en situation de handicap apportent grandement à notre société par la pluralité de leur expérience, leur capacité d’adaptation, de créativité et d’innovation à surmonter les obstacles.

 

 

 
 

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